Les origines du carnaval tropical sont multiples

Jeux de de la Rome Antique, Bacchanales, Saturnales, les hommes ont magnifié la fête sous toutes les formes possibles et pour des raisons variées: sortie de guerre, victoire, accès au pouvoir, rites païens ou religieux. Mais l’ Europe des grands empires puis celle de l’occident chrétien, n’ont font que développer pour le prolonger et parfois s’en inspirer le faste des fêtes pharaoniques, et celui des sociétés chinoises ou africaines.

Aussi, en parallèle, s’est construit au fil des millénaires une architecture ludique fondée sur des croyances, des règles auxquelles se sont attachés des droits et des devoirs, permettant aux hiérarchies de se libérer pour que se rencontrent à l’occasion de moments privilégiés toutes les composantes d’un peuple.
Le spectacle, les réjouissances, les agapes s’inscrivent dans la double nécessite pour l’homme d’ exprimer son exubérance, ses émotions, et sa propre vision du monde et dans laquelle apparaît sa crainte du non-monde.
La dimension de la liesse populaire nous fournit malgré tout cette image rassurante d’un bonheur collectif, et de l’esprit d’invention, la créativité s’exprimant dans la tolérance voire dans la permissivité.
Le carnaval s’inscrit dans cette figure antagoniste à sa propre réalité, et qui assume ses contradictions.

Vaval

Le carnaval est bien ancré dans les mœurs des peuples de la caraïbe, après plus d’un siècle de gestation. Fils de l’Europe et de l’ Afrique, il a pris une dimension culturelle qui en fait un évènement de premier plan. Avec le temps , le carnaval est certes devenu un véritable secteur économique, notamment comme un des leviers du tourisme. Mais c’est aussi un formidable moyen d’expression et de créativité, dont le peuple sait se servir. A la Martinique, la liesse populaire s’exprime selon un mode commun aux autres carnavals mais avec quelques touches originales qui en font sa spécificité.

Les archives nous enseignent un certain nombre de faits qui permettent d’imaginer ce qu’ont pu être les prémices d’un carnaval martiniquais.
On peut admettre que la colonisation de la terre de Martinique par des français dont une partie importante venaient du nord de la France a été l’occasion de l’enracinement de coutumes exportées et déjà plusieurs fois centenaires, basées sur le calendrier religieux européen. Ainsi donc, avec eux se sont installées quelques pratiques autour du mardi gras et du mercredi des cendres.
D’un autre côté, comment ne pas imaginer que les esclaves africains déportés depuis leur terre jusqu’aux caraïbes n’aient pas conservé en eux l’expression des rythmes, les masques et déguisements propres, l’usage des instruments à percussions, et l’art des danses tribales s’exerçant dans un autre contexte.

Des chercheurs apportent comme un des arguments de la liesse populaire martiniquaise, l’existence de manifestations de population, quand colons blancs Normands et Parisiens se côtoient chaque année pour rendre hommage à Monsieur Du Parquet et à sa femme s’affrontant dans une joute de costumes plus beaux les uns que les autres sous les fenêtres de leur château puis dans les rues de Saint-Pierre donnant ainsi naissance aux célèbres cavalcades et charivaris de Saint-Pierre.
Une synthèse des deux courants permet d’accepter sans doute l’idée que le maître blanc imposant sa religion, et avec elle des périodes autorisant la fête sur l’habitation, puis en ville, les pratiques des populations asservies puis s’affranchissant de l’esclavage après 1848, entraîna tout naturellement une couleur spécifique aux pratiques du carnaval martiniquais.

Les similitudes du peuplement et de d’histoire des différentes zones de la Caraïbe, démontrent presque toutes une conséquence analogue : une démarche créative collective née de cette rencontre des peuples.
Le carnaval est également synonyme de liberté, d’improvisation, d’imagination, de délire. C’est ainsi que les chansons satiriques constituaient un élément essentiel du carnaval autrefois. Le contenu avait une portée politique et sociale et servait à la contestation aussi bien qu’à la dérision, véritable pied de nez à la société. La brutalité de leurs propos pouvait même amener les victimes à l’exil ou au suicide quelquefois à tel point que certains maires tentèrent de les interdire au 19ème siècle, sans succès. Aujourd’hui, la mélodie compte plus que le contenu et la chanson de carnaval a perdu son rôle de miroir de la société avec l’apparition des nouveaux moyens d’expression (liberté de parole, sports, journaux, radios).
Certaines initiatives privées tentent toutefois de redonner ses lettres de noblesse à ce pan de notre patrimoine avec la remise au goût du jour du concours de la chanson de carnaval et du concours de la chanson créole.